Parmi les pouvoirs de la manipulation de l’informationse trouve celui de l’utilisation des biais cognitifs.Un biais cognitif est un raccourci mental qui nous pousse à prendre une décision hâtive. Ce phénomène influence chaque choix, décision et interaction d’un individu. Depuis l’arrivée d’Internet et l’omniprésence des réseaux sociaux, son impact est d’autant plus conséquent. La diffusion de l’information n’étant plus contrôlée, le manque de sources en ligne pousse les individus à se fier à leurs biais cognitifs. Cela peut grandement altérer le jugement face à une fake news.
Comprendre les biais cognitifs
Pour mieux comprendre ce phénomène, retour sur le chemin mental qu’effectue une information perçue par le cerveau.Le cortex reçoit une information et s’interroge sur sa qualité. Cette information passe d’abord par la « pensée rapide », soit l’intuition, qui va émettre un premier jugement. Elle traverse ensuite la « pensée lente », dont le rôle est de vérifier la suggestion de l’intuition. À l’issue de ce trajet, les biais cognitifs sont le résultat d’une trop grande influence de la pensée rapide sur la pensée lente.
Cela découle souvent d’idées préconçues, croyances et préjugés liés à l’expérience passée de la personne, ou d’un manque de connaissances sur le sujet. De fait, ces biais sont involontaires... « Nos neurones ne cessent de créer des ponts entre notre passé et notre futur, entre ce que nous avons vu, appris et ce que nous pouvons projeter de ces expériences et connaissances » nous explique la chercheuse en neurosciences, Pascale Toscani. Autrement dit, l’humain a un penchant pour les informations confirmant ses propres croyances. À l’inverse, il aura tendance à rejeter celles qui s’y opposent.
Se protéger des principaux biais cognitifs
En 2023, une étude sur la pensée critique face à la désinformation est menée à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Dirigée par le professeur et chercheur en sciences de l’information, Sylvestre Kouassi Kouakou, elle se conclut sur une «tendance à se fier aux expériences personnelles ou aux opinions des parents, des autorités religieuses et de cyberactivistes pour justifier les arguments».
En tout, près de 288 biais cognitifs sont répertoriés. Si leur existence n’est pas seulement négative, certains sont exploités pour manipuler l’opinion publique. Le plus répandu d’entre euxdemeurele biais de confirmation. Il valide des idées présupposées en sélectionnant les informations qui viennent les confirmer. Cela vient conforter une personne dans ses idées et préjugés. De son côté, « l’effet halo » a pour conséquence d’accorder à un expert un « degré de crédibilité » qu’il n’a pas. Le biais d’ancrage qualitatif montre en quoi la formulation d’une question est susceptible d’en influencer la réponse. « L’effet de groupe » calque les croyances d’une personne selon celles du groupe. « L’effet de cadrage » influence les choix d’un individu en fonction de la manière dont l’information est présentée. Le biais de disponibilité provoque une surestimation de l’importance des informations facilement accessibles.
Ces biais font partie intégrante de la pensée humaine. Mauvaise nouvelle, il est donc impossible de les éradiquer complètement. Afin de se prémunir contre leur manipulation par autrui, la solution réside donc dans le développement de son esprit critique.
Il s’agit de recueillir des données sur le sujet, les analyser, puis se questionner sur la véracité logique de l’information, de la manière la plus objective possible. Pour Axel Dyèvre, trésorier du think tank européen Think The Future :
« Être sensibilisé [à la manifestation de ses propres biais] et s’être confronté grâce à des exercices permet d’améliorer sa capacité à reconnaître les situations à risques ».