En 2021, la Guinée Conakry est le théâtre d'un coup d'État militaire qui renverse le président Alpha Condé. Depuis, le pays traverse une période de transition marquée par des changements politiques, économiques et sécuritaires significatifs.
Le 5 septembre 2021, la Guinée Conakry voit son président, Alpha Condé, renversé par un coup d'État mené par le Groupement des forces spéciales (GFS), dirigé par le colonel Mamadi Doumbouya. Ce dernier justifie son action par la nécessité de mettre fin à la "gabegie" et de restaurer l'ordre constitutionnel. Toutefois, près de trois ans plus tard, la transition promise semble s’éterniser, et les espoirs d'un véritable changement démocratique s’amenuisent.
Alpha Condé, au pouvoir depuis 2010, avait progressivement durci son régime, modifiant la Constitution en 2020 pour briguer un troisième mandat. Cette décision avait déclenché des manifestations massives, sévèrement réprimées, causant plus de 50 morts entre 2019 et 2020 selon Amnesty International. Lorsque Mamadi Doumbouya prend le pouvoir en 2021, il promet une transition vers un gouvernement civil. Cependant, le colonel devenu général s’autoproclame "président de la République", instaurant un régime militaire qui, à son tour, restreint les libertés et réprime les voix dissidentes.
Un régime autoritaire de plus
La Guinée est aujourd’huidirigée par le Comité national du rassemblement et du développement (CNRD), avec à sa tête le colonel Mamadi Doumbouya, devenu général. Initialement désigné "président de transition",il s'est autoproclamé "président de la République", suscitant des interrogations quant à ses intentions politiques. Malgré ses promesses de rétablir l'ordre et de ne pas se présenter aux élections prévues avant décembre 2024,plusieurs signes d’un régime autoritaire font surface.
En Guinée, les partis politiques d’opposition font face à une répression accrue. Plusieurs rassemblements sont interdits sous prétexte de sécurité nationale. Amnesty International rapporte qu’en mai 2023, au moins cinq personnes sont tuées par les forces de sécurité. En juillet 2022, le leader du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), Foniké Menguè, est arrêtée à son domicile, déclenchant de nouvelles manifestations violemment réprimées. L’espoir d’une transition démocratique cède ainsi la place à un régime qui réprime ses opposants sous couvert de maintien de l’ordre.
Faire taire les voix dissonantes
Depuis sa progression notable dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières en 2022, où elle avait gagné 25 places pour atteindre la 84ᵉ position, la Guinée connaît un net recul. L’année 2023 a été marquée par une multiplication des cas de censure et des pressions accrues sur la presse indépendante.
Selon le Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG), la situation s’est encore détériorée en 2024, avec le séquestre de 32 journalistes, l’arrestation arbitraire de 16 autres et l’incarcération de deux professionnels des médias. Plusieurs organes de presse indépendants ont été fermés, à l’image de la radio privée Sabari FM, tandis que des coupures d’internet ciblées ont frappé les plateformes d’information critiques à l’égard du régime. Malgré les engagements affichés en faveur de la transparence, ces restrictions traduisent une volonté manifeste du pouvoir d’étouffer la dissidence et de contrôler l’information.
Une transition politique incertaine
Initialement, la transition militaire devait aboutir à un retour à un régime civil avant décembre 2024. Toutefois, l’absence d’un calendrier clair suscite des interrogations sur les intentions réelles du régime. Le pouvoir du colonel Mamadi Doumbouya semble s’installer dans la durée, renforçant les craintes d’une dérive autoritaire. Si le coup d’État était censé restaurer la démocratie, force est de constater qu’un régime militaire en a simplement remplacé un autre.
Une économie en difficulté
L’économie guinéenne repose principalement sur l’exploitation minière, mais cette richesse est inégalement répartie et ne bénéficie pas à l’ensemble de la population. Selon la Banque mondiale, 55 % des Guinéens vivent sous le seuil de pauvreté, témoignant de la précarité persistante du pays.
Pour relancer l’économie, le régime militaire a mis en place plusieurs projets, notamment le développement des infrastructures et l’exploitation du gisement de fer de Simandou, en partenariat avec des investisseurs chinois et australiens. Toutefois, ces initiatives peinent à résoudre les difficultés quotidiennes des citoyens. En 2024, la hausse du coût de la vie, aggravée par des pénuries de carburant, continue d’affecter durement la population, accentuant le mécontentement social et les doutes sur la gestion économique du pays.
L’ombre des tensions plane en permanence sur la situation sécuritaire
Les tensions politiques internes et la répression de l’opposition et les manifestations alimentent une atmosphère d’instabilité. En décembre 2024, des affrontements éclatent lors d'un tournoi de football à Nzérékoré, entraînant des dizaines de morts et de blessés. Un couvre-feu est instauré, mais les tensions persistent.
Sur le plan international, la Guinée se rapproche de la Russie, avec qui elle signe plusieurs accords de coopération militaire depuis 2022. Ce partenariat, incluant la formation des forces armées et l’acquisition d’équipements militaires, suscite des inquiétudes quant à une éventuelle influence russe dans la politique guinéenne.
Alors que la transition militaire devait mener à un retour à un régime civil avant décembre 2024, l’absence d’un calendrier clair alimente les doutes. Le pouvoir de Mamadi Doumbouya semble s’inscrire dans la durée, renforçant les inquiétudes quant à une dérive autoritaire. Si le but initial était de restaurer la démocratie, force est de constater qu’un régime autoritaire en a simplement remplacé un autre.