« …Eveiller l'esprit critique dans les pratiques médiatiques des camerounais… »
Tel est l’objectif que se donne l’association Eduk Médias Cameroun, à travers son programme de formation des formateurs pour l’encadrement des médias dans le pays. Alors que des initiatives sont déjà en cours dans plusieurs régions, Marie-Noëlle OLI, formatrice et encadrante au sein de l’organisation, forte d’une expertise solide en fact-checking, a accepté de partager avec nous la vision et les ambitions de son organisation, qui aspire à élargir son impact au-delà des frontières nationales.
Christian ESSIMI : Vous venez de tenir à Yaoundé une activité relative à la formation des formateurs pour encadrer les médias. De quelle démarche procède une telle initiative ?
Marie-Noëlle OLI : La dynamique d'impulser les activités de formation à destination des formateurs naît du besoin de résoudre la carence d'experts en EMI/formateur aguerri en EMI de plus en plus saillante dans le territoire Camerounais. Cette initiative, impulsée grâce à un partenariat ficelé avec CFI développement médias dans le cadre du projet Desinfox jeunesse, vise à lutter contre le phénomène de désinformation en milieu jeune et pour y arriver, former les encadreurs de ces jeunes (APPS, CMPJ, CPFF) s'est avéré être une porte d'entrée judicieuse. La formation, délivrée pendant 3 jours, a permis de les recycler sur le plan théorique et méthodologique et les résultats observés sont tout simplement appréciables car des milliers de jeunes sont en train d'être sensibilisés et formés adéquatement aux travers de ce désordre informationnel.

Qu'est-ce qui justifie la tenue d'une telle activité orientée vers les encadreurs de jeunes ? Quels sont les encadreurs concernés ?
Marie-Noëlle OLI : L'initiative d'entreprendre des actions de lutte contre la désinformation tire sa genèse du fait que ce fléau connaît une forte audience au moyen des médias. Ces médias qui indépendamment de leur pluralité, trouvent une catégorie (réseaux sociaux) davantage fertile à sa rapide propagation. Et compte tenu du fait que ces réseaux sociaux ont un caractère très plaisant du point de vue des fonctionnalités, design, etc. Éduquer à propos s'avère impératif, surtout quand on sait que les jeunes qui en sont très friands n'ont pas suffisamment d'armes pour la reconnaître, la prévenir et même lui faire face de façon adéquate. Passer donc par leurs responsables ou encadreurs pour que ces enseignements leur parviennent comme un parfum de bonne odeur a été la stratégie adopter pour pallier aux problèmes d'absence de relais en EMI sur le terrain et faciliter l'écho de ces enseignements.
Cette éducation est-elle restreinte aux seuls encadreurs de jeunes ? A-t-elle vocation à s'étendre en direction d'autres cibles ? Si oui lesquelles ?
Marie-Noëlle OLI : L'éducation aux médias et à l'information en abrégé EMI est ouverte à toutes les cibles indépendamment de leurs singularités. Elles sont toutes à un moment où à un autre consommatrices, productrices et diffuseuses d'informations. Et dans cette logique, une compréhension de l'univers médiatique et informationnel s'impose pour éviter d'être victime des travers qui s'y trouvent parmi lesquels, les désordres informationnels mais aussi et surtout exercer pleinement leur cyber citoyenneté.
Quel est l'objectif qui sera poursuivi dans ce cas ?
Marie-Noëlle OLI : Il sera simplement question de donner toutes les armes nécessaires à ces cibles afin qu'elles ne soient plus victimes de cet écosystème sans cesse dynamique et contribuer au développement de nos sociétés démocratiques à travers une consommation et une utilisation plus citoyenne de ces derniers (les médias).

Quand on parle d'éducation aux médias, à quoi fait-on concrètement allusion ?
Marie-Noëlle OLI : L’éducation aux médias et à l'information fait référence à une pédagogie au sein de laquelle les médias eux-mêmes constituent l'objet de l'apprentissage (Piette 2006). Aussi l'EMI est abordée comme une « pédagogie de l’interrogation » ayant pour objectif de développer les habitudes, les compétences et les savoirs requis à la compréhension des messages médiatiques ainsi qu’à la production et à la navigation dans un environnement numérique sursaturé (Macdonald, 2008).
A quels résultats espérez-vous arriver dans un pays comme le Cameroun ?
Marie-Noëlle OLI : Nous espérons arriver à éveiller l'esprit critique au sein des pratiques médiatiques de tous les camerounais afin que ceux-ci ne subissent plus les médias et voient en eux une opportunité réelle de développement.
Quelles sont vos chantiers à venir dans le domaine pour l'année qui a démarré ?
Marie-Noëlle OLI : Les défis actuels tournent autour de l'intégration de cette éducation aux médias et à l'information dans les programmes éducatifs Camerounais et l'institutionnalisation d'un centre agréé de formation des formateurs dans le domaine à l'échelle régionale (Afrique Centrale).
Propos recueillis par Christian ESSIMI
