L'intelligence artificielle (IA) redéfinit le paysage médiatique mondial et l'Afrique n'échappe pas à cette transformation. Entre promesses technologiques et défis complexes, le journalisme africain se trouve à un tournant décisif.
L'IA, un atout pour le journalisme africain ?
L’IA offre des solutions innovantes qui transforment le paysage médiatique africain, permettant une couverture plus riche et réactive de l'actualité. Grâce à sa capacité à analyser rapidement de vastes volumes de données et à automatiser la production de contenu, elle libère les rédactions de certaines tâches répétitives. Des initiatives locales émergent, à l'image de la start-up nigériane Stears Business qui utilise l'IA pour proposer des analyses économiques précises et personnalisées.
Face à la prolifération des fausses informations, devenue un véritable fléau sur le continent, des plateformes comme Africa Check exploitent l'IA pour identifier et démentir les fake news.

Avec une diversité linguistique impressionnante de centaines de langues, l'IA représente une opportunité inédite pour démocratiser l'accès à l'information. Des rédactions utilisent des outils de traduction automatique pour proposer des contenus en langues locales telles que le swahili, le haoussa et le yoruba, renforçant ainsi l'inclusion linguistique. Ces avancées permettent de toucher des communautés souvent marginalisées par la barrière de la langue, contribuant à une information plus inclusive et accessible à tous.
Selon une étude de Markets and Markets, le marché de l'IA en Afrique devrait croître de 23% d'ici 2030, notamment dans les secteurs des médias et des communications. Des initiatives comme celles de Data Science Nigeria montrent que le continent s’organise pour adapter ces technologies à ses réalités locales et maximiser leur potentiel.
Les défis et limites de l'IA dans le journalisme africain
L'intégration de l'IA dans le journalisme africain soulève des défis complexes qui appellent une réflexion approfondie. L'automatisation de certaines tâches suscite des inquiétudes quant à la réduction des effectifs en rédaction. Toutefois, le professeur Charlie Beckett de la London School of Economics tempère cette crainte :
Seydou Diakité, journaliste à Bamako, témoigne de son expérience :
Cependant, l'IA n'est pas exempte de biais, souvent hérités des données sur lesquelles elle est entraînée. Cette réalité peut entraîner une couverture médiatique partielle ou orientée. Seydina Moussa Ndiaye, expert sénégalais en IA, met en garde :
La souveraineté numérique est d'autant plus préoccupante que la majorité des outils d'IA déployés sur le continent proviennent d'entreprises américaines ou chinoises, soulevant des questions sur le contrôle des données sensibles. En outre, le développement de l'IA nécessite une infrastructure solide : un accès stable à l'internet haut débit, des équipements performants et des compétences numériques avancées. Or, de nombreux pays africains peinent à surmonter ces obstacles structurels, accentuant ainsi les inégalités dans l'accès à l'information. L'absence de régulations claires encadrant l'utilisation de l'IA dans les médias ouvre également la voie à des abus.
Vers une IA adaptée aux réalités africaines
Pour maximiser les avantages de l'IA tout en minimisant ses risques, plusieurs initiatives locales émergent. Au Nigeria, la start-up Data Science Nigeria développe des solutions d'IA adaptées aux besoins des médias africains. Des formations sont également mises en place pour permettre aux journalistes d’acquérir des compétences en analyse de données et en programmation IA. En Côte d'Ivoire, l'Université Virtuelle propose un cursus dédié au journalisme numérique et à l’IA.
Pour éviter les dérives, des discussions sont en cours autour de la création d'un cadre juridique et éthique pour encadrer l'utilisation de l'IA dans les médias africains. L'Union africaine a même proposé une stratégie continentale visant à promouvoir une IA inclusive et responsable, à laquelle s'ajoute la Recommandation adoptée par l'UNESCO en 2021 sur l'éthique de l'intelligence artificielle.
L'IA représente une opportunité immense pour le journalisme africain, mais elle doit être adoptée avec discernement. La formation des journalistes, le développement de solutions locales et l'instauration de régulations éthiques sont autant de pistes pour une intégration réussie de l'IA dans les médias africains.
Abdoussalam DICKO
