À l’ère du numérique, l’information circule plus vite que jamais grâce aux réseaux sociaux et aux plateformes de messagerie. Cependant, cette démocratisation de l’accès à l’information s’accompagne d’un fléau redoutable : la désinformation. En Afrique, où les fake news influencent les élections, attisent les tensions communautaires et alimentent la méfiance envers les institutions, l’éducation aux médias devient une nécessité urgente.
Un fléau aux conséquences graves
La désinformation en Afrique a des répercussions profondes sur la société, touchant notamment les domaines politique, sécuritaire et sanitaire. En Côte d'Ivoire, à l'approche de l'élection présidentielle de 2025, les autorités ont lancé en juin 2024 la campagne "Stop aux sorciers numériques" pour sensibiliser la population aux dangers des fausses informations circulant sur les réseaux sociaux. Parallèlement, dans des pays comme le Mali, la recrudescence des attaques de groupes armés s'accompagne d'une multiplication des fausses informations sur les réseaux sociaux, alimentant la confusion et la peur. De plus, pendant la pandémie de COVID-19, des rumeurs infondées sur les vaccins ont entraîné une méfiance massive, freinant les campagnes de vaccination dans plusieurs pays africains. Cette propagation rapide de la désinformation est souvent facilitée par des plateformes comme WhatsApp, perçues comme plus fiables que les médias traditionnels dans certaines communautés, notamment en milieu rural, où l'information partagée par des proches dans la langue locale renforce la confiance des utilisateurs.
« Dans de nombreuses régions rurales du Mali, les habitants font davantage confiance aux messages reçus sur WhatsApp qu'aux informations relayées par les médias traditionnels », souligne Aliou Ibrahim Touré, journaliste malien.
Cette tendance s'explique par le fait que les messages proviennent souvent de proches s'exprimant dans la langue locale, ce qui renforce leur crédibilité aux yeux des destinataires. Cependant, cette confiance aveugle facilite la propagation rapide de rumeurs infondées, compliquant ainsi le travail des journalistes et des vérificateurs de faits.
Éducation aux médias, bouclier contre la désinformation
Face à l’essor des réseaux sociaux et à la multiplication des fausses informations, il est crucial de doter les citoyens des compétences nécessaires pour analyser et vérifier les contenus qu’ils consomment. L’éducation aux médias doit être intégrée aux programmes scolaires dès le primaire, avec des enseignants formés à transmettre ces connaissances, et adaptée aux réalités locales, notamment en langues nationales. Parallèlement, les influenceurs et les journalistes doivent être sensibilisés aux dangers des fake news et encouragés à adopter des pratiques rigoureuses de fact-checking.
Le grand public peut être touché à travers des campagnes médiatiques, l’usage de formats interactifs et l’implication des radios communautaires, essentielles pour atteindre les populations rurales. En outre, les gouvernements ont un rôle clé à jouer en soutenant les initiatives de vérification des faits, en renforçant la législation sur la désinformation tout en protégeant la liberté d’expression. Plus qu’un simple outil, l’éducation aux médias est un rempart essentiel pour bâtir une société informée, résiliente et moins vulnérable aux manipulations.
« L’éducation aux médias et à l’information est essentielle pour permettre à chacun de décrypter les informations issues des médias traditionnels et numériques », souligne Blaise-Pascal Andzongo, président de l'association camerounaise Eduk-Media. Il affirme que « l'objectif est de développer une intelligence du langage médiatique, de ses enjeux et de ses outils ».
De plus, des initiatives telles que la formation de 25 jeunes au Mali par la Commission nationale pour l'UNESCO en décembre 2024 visent à renforcer les capacités des jeunes à cerner la désinformation et les discours de haine, les aidant ainsi à interagir de manière critique et responsable avec le contenu en ligne et hors ligne.
Ces efforts combinés de formation, de sensibilisation et de législation sont essentiels pour contrer efficacement la propagation de la désinformation en Afrique.
Article rédigé par Abdoussalam DICKO