Face à la hausse de la diffusion des fake news, il devient essentiel que chacun, à son échelle, soit en capacité de lutter contre la désinformation. Pour cela, il existe plusieurs méthodes et outils de fact-checking.
La désinformation, la propagande et les fake news (fausse informations) existent depuis très longtemps, mais selon les données d’Africa Center for Strategic Studies, leur diffusion a quadruplé ces deux dernières années. Les réseaux sociaux sont le terrain de jeu de prédilection des acteurs de la désinformation. Un clic, un partage, un commentaire, et la fausse information est relayée très vite. La rapidité de la propagation est l’une des principales caractéristiques de la désinformation. La plus critique, ce sont les conséquences.
Les informations falsifiées et mensongères entraînent de graves répercussions, pouvant déstabiliser complètement la situation sécuritaire d’un pays, attiser des tensions, provoquer la mort. Pour citer quelques exemples : lors de la pandémie de COVID-19, des fake news à propos de remèdes contre le virus ont circulé. En mars 2020, à Kinshasa, une mère a perdu ses 3 enfants pour leur avoir administré une purgation à base d’une plante dont les fake news disaient qu’elles guérissaient du COVID-19. Cette année, lors des élections qui ont eu lieu dans plus d’une quinzaine d’États africains, les campagnes de désinformations pour déstabiliser les autres candidats et influencer les votes ont été nombreuses. Pour la campagne présidentielle au Sénégal, la plateforme de fact-checking Africa Check a créé un compte sur X (ex-Twitter), L’Alliance #SaytuSEN2024, à partir duquel de nombreux démentis sur des fakes news ont été publiés.
Les conséquences de la désinformation
La diffusion des fausses informations va jusqu’à entraîner des tensions entre les différentes communautés, voire même des violences et des assassinats. En janvier, de nombreux civils de la communauté peule ont été assassinés par des miliciens et par les autorités. Ces exactions durent depuis plusieurs années. Au Burkina Faso, des appels à la haine, voire au meurtre contre les peuls circulent sur les réseaux sociaux. Les peuls sont victimes de nombreuses exactions, pour être associés aux groupes terroristes qui ravagent les régions. S’il est vrai que certains d’entre eux ont rejoint les rangs des djihadistes, plusieurs civils de la communauté font l’objet d’un amalgame meurtrier, subissant d’une part les attaques terroristes, d’autre part les violences des autorités qui les accusent de proximité avec les djihadistes.
Les impacts liés à la désinformation ne manquent pas : déstabilisation de la société, de la sécurité, du système économique, engeance de la violence, etc. C’est un vrai fléau qui peut, à terme, détruire une société. Pour le contrer, le fact-checking est une des armes les plus efficaces.
Le fact-checking : comment repérer et corriger une fausse information
Le fact-checking, ou la vérification des faits, s’impose rapidement comme l’une des solutions fondamentales contre la désinformation.
La première stratégie est d’abord et avant tout de vérifier les informations en retrouvant sa source et en la comparant avec d’autres, ce qu’on appelle croiser les sources. S’assurer que l’information apparaît ailleurs, si les sources (sites, médias), sont fiables. À ce sujet, il faut toujours examiner la terminaison de l’adresse du site afin de vérifier qu’il ne s’agit pas d’un faux.
La désinformation suscite généralement des émotions fortes (la peur, la curiosité, la tristesse, l’empathie, la colère). Pour cette raison, les informations qui relèvent du sensationnel, d’une catastrophe, d’un scandale, ou qui se déroulent pendant une période particulière (comme les élections) doivent faire l’objet d’une attention appliquée. C’est pour cela qu’il faut bien situer le contexte de l’information.
Pour repérer une fake news, le fact-checker Gustave Katsuva, de Congo Check, livre quelques règles de base. Il faut lire attentivement le texte, prendre garde aux fautes d’orthographe, syntaxe, grammaire. Vérifier si le nom de l’auteur et la date de publication de l’article apparaissent. Si les termes « source sûre, proche du dossier, sous anonymat » sont mentionnés, il faut faire attention. Au moindre doute, il ne faut pas partager l’information.
Quelques exemples d’outils de fact-checking
Cependant, avec le progrès des moyens technologiques, il devient de plus en plus difficile de repérer les deepfakes et fausses images. Les logiciels de l’IA se perfectionnent. À ce moment-là, il faut s’interroger. Est-ce que la vidéo fait appel aux émotions ? Est-ce que le sujet est crédible ? Quel est le contexte ? Et surtout, appliquer la méthode primordiale : aller vérifier la source et la comparer avec d’autres.
Il existe plusieurs outils de fact-checking. Pour les images, TinEye, Search by image et Google images sont des logiciels assez efficaces, utilisés par Congo Check pour la vérification des sources. Pour effectuer une vérification grâce à un outil de recherche d’image inversée, par exemple TinEye, il faut copier le lien URL de l’image à vérifier (souvent en faisant un clique droit sur l’image en question) et le coller dans le moteur de recherche, avant de cliquer sur l’onglet « faire une recherche ». Il est aussi possible de copier l’image directement et de la coller dans l’onglet « télécharger » du logiciel de fact-checking.
Pour faire une recherche inversée sur Google images, il faut faire un clique droit sur l’image à vérifier et saisir l’adresse URL. Sur la barre de recherche de Google images, il y a un logo appareil photo, qui permet de faire une recherche par image. Il faut cliquer dessus, puis coller le lien URL de la photo à vérifier, ou bien il est possible de copier-coller directement la photo, ou de l’importer dans le moteur de recherche. Il ne reste plus qu’à cliquer sur l’onglet « Rechercher » . Plusieurs liens vont s’afficher, qui permettront de remonter à la source de l’image.
Attention cependant, certains moteurs de recherche comme Google peuvent se tromper. L’algorithme va souvent chercher un environnement plausible dans lequel l’image peut être diffusé, et il arrive qu’une image soit relayée sur plusieurs sites, dont des mauvais, qui vont induire l’algorithme de Google en erreur. C’est pour cette raison qu’il faut effectuer plusieurs recherches par image inversée, utiliser plusieurs logiciels pour comparer les sources.
En cas de doute sur un site ou un média, il est recommandé de vérifier la mention « à propos » ou « qui sommes-nous ». Pour une fake news, il ne faut pas hésiter à copier le texte qui semble suspect, le coller dans la barre de recherche sur Google en ajoutant les guillemets, afin que le moteur de recherche cible précisément les termes à examiner, puis cliquer sur « rechercher ». Comme pour les images, une liste de sites apparaîtra, qui pourra déterminer si le texte provient d’un média fiable ou non. Quoi qu’il en soit, à la moindre interrogation, le mieux est de ne surtout pas partager l’information ou l’image qui inspire la méfiance.
Les différents acteurs de fact-checking et leurs méthodologies :
Plusieurs plateformes et organismes de fact-checking ont vu le jour au cours des dernières années : Africa Check en 2012, PesaCheck, en 2016, Congo Check, en 2018, Dubawa, en 2018, et bien d’autres. Les fact-checkers et les journalistes travaillent ensemble depuis de nombreux pays afin de contrer la menace des fausses informations. Pour les repérer, ils utilisent diverses méthodes.
Africa Check dévoile sa méthode de vérification sur sa plateforme. Ils surveillent et repèrent les affirmations, et si l’une d’elles paraît suspecte, joignent la personne afin de demander des explications ou des preuves. Des enquêtes peuvent être menées afin de réunir le plus d’éléments authentiques, et ils se mettent en contact uniquement avec des experts qui acceptent de témoigner. Un compte-rendu est ensuite publié. Les acteurs d’Africa Check diffusent également leurs méthodes de recherches et leurs sources afin que chaque internaute puisse suivre le processus de vérification. Il est également possible de les contacter pour leur soumettre une information douteuse.
Ces méthodes de transparence lors des publications des rapports, du déroulement du processus de vérification et des liens sources sont également utilisées par d’autres grandes plateformes comme Dubawa et PesaCheck. Plusieurs d’entre elles comme Africa Check, Congo Check, Namibia Fact Check et PesaCheck analysent avec attention les discours publiques et politiques. Au mois de septembre, Congo Check a lancé le projet « Mpox Fact », pour lutter contre la désinformation faite sur la maladie du Mpox et les conséquences mortelles qu’elle peut entraîner. Lors de l’épidémie d’Ebola et de la pandémie du COVID-19, plusieurs personnes ne se sont pas soignées et sont décédées à cause de mauvaises informations. Avec l’outil Mpox Fact, les chercheurs vont rassembler toutes les fakes news et publier un démenti.
Si la désinformation est en hausse ces dernière années, le nombre de chercheurs et de fact-checkers l’est aussi. Pour Africa Check, en 7 ans, le nombre d’organismes qui combattent la désinformation a augmenté de façon vertigineuse. Il devient vital d’être sensibilisé et de lutter contre les ravages des informations mensongères et de préserver les nations de toute tentative de déstabilisation quelle qu’elle soit.
Comment repérer un deepfake
Un deepfake se définit comme une image, une vidéo ou un fichier audio fabriqué par une intelligence artificielle (IA). Grâce à un trucage habile et un principe de superposition, il est possible de faire dire n’importe quoi à n’importe qui, y compris des personnalités influentes, politiques et célébrités.
Quelques détails permettent de détecter si la vidéo est truquée ou authentique. Il faut examiner le mouvement des lèvres, s’il est accordé à la voix ou complètement décalé, être attentif au son de la voix, aux mouvements du visages. Si ce dernier reste anormalement fixe, que les yeux ne clignent presque pas, il y a une possibilité pour que la vidéo soit un deepfake. Le contour du visage peut se détacher d’une façon anormale du reste du décor, laisser apparaître des tâches floues. La lumière et les contrastes sont également à vérifier. Les gestes habituels comme bouger les mains, remettre une mèche en place, tourner la tête sont également à surveiller, afin de s’assurer que la personne est une vraie, non une IA. Il est également préconisé de ralentir la vidéo. Si des tâches floues apparaissent, il y a un risque que la vidéo soit truquée.
Concernant la photographie, comme pour la vidéo, il faut être attentif aux détails, aux contrastes de lumières, aux tâches floues, à la texture des cheveux, la hauteur des yeux, l’arrière-plan. Il est nécessaire de prendre du recul, établir si le contexte est réaliste ou si ça semble louche.